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La filière betteravière auvergnate bafouée par Cristal Union

SUCRERIE BOURDON La dernière campagne betteravière s’achève sur la plaine de la Limagne et dans le Val d’Allier. Le collectif des planteurs lutte contre les représentants de Cristal Union pressés de mettre un terme à la filière auvergnate.

Souvenez-vous, le couperet est tombé le 18 avril 2019, date à laquelle le conseil d’administration de Cristal Union décidait de
« mettre à l’étude le projet de fermeture du site de Bourdon dans le Puy-de-Dôme ». Huit mois plus tard le résultat est sans appel : près de 350 emplois directs et indirects sont fragilisés voire détruits et 400 producteurs menacés par les dirigeants de leur propre coopérative.

Absence de transparence

Pour autant, le collectif d’associés coopérateurs représentant 80 % de la section Bourdon et représenté par Maître Camille Garnier n’a pas dit son dernier mot. Après avoir cherché en vain par toute voie amiable à entrer en discussion avec les représentants de Cristal Union et de la section Bourdon, le collectif a mis en demeure le groupe coopératif qui refusait de communiquer les informations indispensables pour comprendre la décision de fermeture.

Les 30 septembre et 14 octobre, deux assignations en référé ont alors été délivrées à l’encontre de Cristal Union et du président de la section Bourdon (par ailleurs administrateur de Cristal Union) « dans la mesure où ce dernier disposait d’informations utiles que nous réclamions » précise Me Garnier. L’affaire a été plaidée le 6 novembre et la décision rendue le 26 novembre. « Cristal Union a été condamnée sous astreinte à communiquer un certain nombre de pièces à savoir : l’étude financière ayant conduit au plan de fermeture, les comptes analytiques du site Bourdon et toutes les pièces qui intéressent les associés coopérateurs dans leurs relations avec la coopérative » détaille l’avocat. Cette décision exécutoire du Tribunal de Grande Instance n’est, cependant, toujours pas exécutée par le Groupe sucrier qui entre temps « a multiplié ses actions pour tenter de faire barrage à la procédure », indique Me Garnier. L’envoi aux coopérateurs le 3 décembre dernier d’une proposition d’indemnisation fait partie de ces actions.  « En s’adressant directement aux associés coopérateurs sans information, sans communication ni concertation des représentants du collectif, qui je le rappelle représente 80% des producteurs de la section Bourdon, Cristal Union cherche ainsi à passer en force et fragiliser le collectif. »

Une proposition « complexe »

Dans sa proposition, le groupe sucrier propose deux options : une indemnisation de 1 000 €/ha + le remboursement des parts sociales ou, option 2, une indemnisation de
1 000€/ha + le remboursement des parts sociales échelonné sur 4 ans. Pour les producteurs qui continueraient à livrer leur production à Cristal Union, un coût supplémentaire de 5€/tonne serait appliqué pour le transport. Pour Me Camille Garnier « cette indemnisation de 1 000€/T a été décidée de manière unilatérale par Cristal Union, sans aucune explication sur la base de calcul, sans aucune discussion, sans même avoir permis aux associés coopérateurs d’avoir accès aux informations légitimes.  Elle est de plus conditionnée à certains critères et limitée jusqu’au 31 janvier 2020. » L’avocat précise par ailleurs qu’à l’appui de sa décision, Cristal union affirme « qu’un accord a été trouvé avec les planteurs or c’est faux, cette proposition n’a jamais été discutée ni validée par le collectif ! C’est une proposition fermée qui ne laisse pas d’autre choix que d’accepter ».

« Plus qu’une proposition, c’est une menace de Cristal Union à l’encontre des producteurs ! » surenchérit Régis Chaucheprat, membre du collectif. « Comment la coop est-elle arrivée à proposer 1 000€ ?  Sur quelle base s’est-elle appuyée ? Cristal Union n’a jamais communiqué avec transparence sur ses décisions. Or en droit coopératif, 1 homme = 1 voix ; c’est un principe d’égalité qui aujourd’hui est totalement bafoué par les représentants du Groupe sucrier et de la section Bourdon » poursuit Régis Chaucheprat.

Une proposition « insatisfaisante »

Réunis la semaine dernière, les membres du collectif ont jugé la proposition de Cristal Union « insatisfaisante ».

« Qu’est-ce que représentent 1 000€/ha par rapport à l’impact subi par toute une filière de production ? C’est un pan entier de l’économie locale qui est fragilisé par la fermeture de la sucrerie Bourdon. Jamais les représentants n’ont vérifié le préjudice qu’ils font subir aux planteurs, jamais ils ne se sont interrogés sur les investissements qui ont été faits sur la betterave. Ils ont entretenu un climat de confiance en nous incitant à augmenter les surfaces et les volumes alors que leur décision de fermeture semblait déjà planifiée » s’indigne Régis Chaucheprat. Pour le producteur betteravier, « l’incompréhension » et « l’injustice » dominent dans cette affaire.  « Nous avons servi les intérêts politiques de Cristal Union ! Le président Olivier de Bohan a dit que « Bourdon ne correspondait plus aux standards européens ». Or au moment de la fusion, il connaissait la taille de notre outil, ses capacités de production et surtout ses bons résultats…En toute transparence on a apporté dans la fusion un site, des réserves, des résultats sains et une bonne gestion ; tout ceci a une valeur aujourd’hui balayée par Cristal Union. »

Pour le représentant du collectif, Me Garnier, ce qui frappe c’est
« l’empressement dont cherche à faire preuve Cristal Union pour empêcher les associés coopérateurs de Bourdon d’être informés et de comprendre ce qui leur arrive ». Ils attendent désormais une juste indemnisation prenant en compte la hauteur des préjudices moral et économique. La procédure judicaire suit son cours et le médiateur du Haut Conseil de la Coopération Agricole (HCCA) a été saisi.

C.Rolle

Deux questions à… Gilles Berthonnèche, administrateur Cristal Union, représentant de la section Bourdon

La campagne betteravière vient de se terminer. C’était la dernière. Que va-t-il se passer maintenant ?

Un PSE est en cours de signature avec les salariés mais il n’est pas encore terminé. Nous en saurons plus début janvier. Quoiqu’il en soit, il n’y aura plus de betteraves en Limagne. L’usine s’arrête. À ce jour, personne ne souhaite la reprendre pour faire du sucre. Ce n’est économiquement pas viable. Peu d’acheteurs se sont également présentés pour reprendre le site. Concernant les machines, elles vont rester en place pour les 18 prochains mois. C’est un engagement de Cristal Union pour garantir la remise en route de l’outil au cas où des projets se présenteraient (bettador®, bioraffinerie…).

Où en sont les négociations entre les producteurs et Cristal Union ?

Le 3 décembre dernier, nous (ndlr Cristal Union) avons envoyé un courrier aux producteurs avec deux propositions.
La première prévoit une compensation de 1 000€/ha (sur la surface semée en 2019), plus le remboursement des parts sociales d’activités et des parts sociales épargne. L’intégralité serait versée aux producteurs en juillet 2020.  La seconde proposition comprend les mêmes 1 000 € ha.
À cela s’ajoute pendant quatre ans une compensation variable correspondant à l‘écart de prix positif entre un prix de référence de 23 €/t à 16° (pulpes incluses) et le prix effectivement payé aux coopérateurs de Cristal Union pour chacune des campagnes 2020, 2021, 2022 et 2023

Enfin, ceux qui ne choisissent aucune des deux options pourront toujours produire de la betterave avec Cristal. Mais une participation forfaitaire aux frais de transport de 5 €/tonne sera à la charge du producteur. Avec un prix de la betterave à 23 €/t, très franchement ce n’est pas rationnel. Les producteurs ont jusqu’au 31 janvier 2020 pour signer. Au-delà de cette date, il n’y aura plus rien. C’est la dernière et unique offre de Cristal Union. »

Propos recueillis par M.Comte

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