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Le régime alimentaire des Français est-il vraiment en train de changer ?

Pour sa session annuelle, les élus de la Chambre d’agriculture de l’Allier ont demandé à Céline Laisney, experte en veille sur l’alimentation de venir parler des sujets brûlants du moment. Son intervention a suscité de nombreuses réactions.

Avec son intervention, Céline Laisney du cabinet d’expertise AlimAvenir a suscité de nombreuses réactions.
Avec son intervention, Céline Laisney du cabinet d’expertise AlimAvenir a suscité de nombreuses réactions.
© L’ALLIER AGRICOLE

"Je ne pensais pas que ce changement était si profond mais on ne peut plus faire l’autruche », analyse Jean-Michel Ferrier. Cette année, les élus de la Chambre d’agriculture de l’Allier ont invité Céline Laisney, experte en veille sur l’alimentation pour le cabinet AlimAvenir. Elle a dressé un tableau des tendances de la consommation de demain : développement du bio, du e-commerce et baisse de la consommation de viande. « Ce type de discours est forcément difficile à entendre, mais mieux nous appréhenderons ces réalités, meilleure sera notre riposte », a jugé Christine Lemaire, élue à la Chambre. Car en face, le constat était rude : quelle place pour les agriculteurs de l’Allier - éleveurs, céréaliers - dans une France où l’on veut construire des fermes en pleine ville, se faire livrer des repas à domicile et modifier son régime alimentaire ? « Ces logiques sont strictement micro-économiques : on parle des modes de consommation d’un monde libéré de la faim et de la malnutrition », a nuancé le président de la Chambre, Patrice Bonnin. D’ici 2050, près de 50 milliards de personnes peupleront la Terre, augmentant largement la demande mondiale en produits agricoles. « L’amoindrissement considérable des ressources et de la biodiversité rejoint de nouvelles demandes de la part des consommateurs : gain de temps (on ne fait plus à manger chez soi), confiance/transparence (notamment quant à la provenance du produit) et santé/nutrition/bien-être. Pour devenir durable, les systèmes alimentaires actuels doivent donc évoluer dans ce sens ».

Le local, le bio : des leviers de diversification pour les producteurs

Parmi les tendances qui répondent à ces attentes, le bio, « et surtout le local qui suscite encore plus de confiance ». 68 % des Français sont de plus en plus soucieux de la provenance des produits, 62 % d’entre eux (7 points de plus qu’en 2014) favorisent l’achat de produits à proximité de chez eux. Les réseaux de distribution en circuits courts et en vente directe se sont multipliés : progression de la vente directe sur les marchés, création de réseaux de vente aux collectivités type Agrilocal03 et de drive fermiers (122 en France), etc. Les grandes surfaces ont très largement raccroché le wagon et de nouveaux acteurs sont encore en pleine expansion comme « Frais d’ici » une moyenne surface réunissant des produits 100 % locaux… Le local et le bio rassurent. « Même s’il ne représente que 4,4 % de la consommation des ménages, le bio progresse à grande vitesse : +17 % entre 2017 et 2017, 8,3 milliards d’euros en 2017 ».

Côté producteurs en revanche, ces débouchés ne suffisent pas. « L’hyper local a des avantages incontestables dont nous avons tous conscience. Il permet aux producteurs de revaloriser leur travail et de renouer du lien avec le consommateur, a commenté Patrice Bonnin. Malheureusement, c’est une niche, une  diversification qui n’offrira pas un revenu suffisant aux agriculteurs français. Pour s’installer en bio et en vivre sans les aides, les démarches restent extrêmement compliquées. Il faut sortir de ces modèles d’assistance précaires pour trouver de vraies sources de rendements ». Entre la demande des consommateurs et les contraintes des agriculteurs, l’équilibre est précaire. « Idem pour le bio. Nous assistons à une standardisation du bio qui est dangereuse.

Le e-commerce va-t-il supplanter les GMS ?

Autre tendance, le développement exponentiel du e-commerce. « Un sujet à creuser », a insisté Patrice Bonnin. En la matière, la France progresse vite, « la suprématie des drive est née chez nous », explique Céline Laisney. 47 % des internautes ont déjà acheté un produit alimentaire en ligne, 42 % d’entre eux optent pour le drive, 34 % se font livrer à domicile (Source : Médiamétrie pour la Fevad 2018). « À suivre également, les ambitions d’Amazon sur le marché français : depuis le 11 septembre, un partenariat avec Monoprix a été mis en place pour offrir plus de 6 000 références de produits (dont 4 500 alimentaires) aux abonnés d’Amazon Prime Now. En novembre, l’entreprise a ouvert la Boutique des producteurs avec plus de 2 000 références alimentaires (producteurs en direct et coopératives), produits frais, épicerie ».

Face à la diversification des circuits de commercialisation, l’Allier tente de suivre. Pour les producteurs, serait-ce peut-être l’occasion de remettre en cause la suprématie des GMS et de retrouver un peu de pouvoir sur la détermination des prix : « Nous avons réalisé une étude pour travailler avec Amazon, a souligné Christophe Jardoux pour la coopérative d’éleveurs Socaviac-Feder. C’est une option que nous envisageons, mais pour l’heure ce projet est embryonnaire ». « L’avantage des plateformes, c’est qu’elles font payer le service, elles ne prennent pas de commission sur le prix du produit », poursuit Céline Laisney.

La tendance ne s’arrête pas là. De nouveaux acteurs de la livraison à domicile ont essaimé pour répondre à la demande des 50 % de Français qui se font livrer un repas à domicile ou au travail : Ubereats, Foodora, Quitoque (3 millions de repas livrés en 2017), Frichti (300 millions d’euros levés en 2017).

Le véganisme progresse dans les mentalités

Intéressants également, les chiffres sur le véganisme. « Malgré la médiatisation, c’est un phénomène que nous ne connaissons que de façon superficielle », souligne Jean-Michel Ferrier, élu à la Chambre. Connaître son adversaire pour mieux le combattre. « Il faut bien faire la différence entre les végétariens, entre 1 et 5 % de la population (11 % des 16-25 ans) qui ne mangent ni de viande, ni de poisson ; les flexitariens, qui mangent moins de viande (34 %, contre 25 % en 2015) et les vegans, entre 0,4 et 2 % de la population : eux ne mangent aucune protéine animale quelle qu’elle soit. Pour la plupart des Français qui pratiquent une forme de végétarisme, l’éthique et le bien être animal arrive en première position des motivations, devant la santé, puis l’impact environnemental. « 62 % des Français ont de fortes attentes en matière de bien-être animal (Crédoc, CCAF 2016), 59 % ne sont pas satisfaits par les conditions de vie des animaux, 39 % ne sont pas du tout satisfaits ». Parallèlement en revanche, le métier de boucher revient à la mode et des boucheries « nouvelle génération » sont en train d’éclore : Polmard, Terroirs d’Avenir, Viande&chef. Des coopératives comme Cavac ou encore Puygrenier ont choisi la stratégie de la « premiumisation » qui porte ses fruits. « Car la réalité de demain, conclut Céline Laisney, c’est celle d’un consommateur qui mangera moins de viande mais de meilleure qualité, car l’attachement des Français à l’agriculture est encore extrêmement fort ».

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